Monastère des dominicaines de Lourdes

Couronnement de la Vierge Marie

Lecture

Etreins la sagesse et elle t’élèvera,
elle fera ta gloire si tu l’embrasses ;
sur ta tête elle posera un diadème de grâce,
elle t’offrira une couronne d’honneur (Pr 4, 8-9).

Méditation

En Marie s’est accomplie parfaitement la promesse de la Sagesse : elle a reçu une couronne de gloire, d’honneur, de lumière. Cette promesse, c’est celle de son fils, Fils de Dieu et Sagesse de Dieu (1 Co 1, 24) en personne.

 

La Sagesse de Dieu couronne les justes

La Sagesse existait avant que le monde soit, dès l’éternité (Pr 8, 22-23), Envoyée par Dieu, elle est venue parmi les enfants des hommes (Pr 8, 31) comme une amie (Pr 1, 6) ; elle a dressé sa tente parmi eux. Elle leur a révélé les secrets de Dieu (Pr 7, 1-3) pour les rassasier (Si 24, 19-21). Une fois sa mission accomplie, elle est retournée auprès de Dieu (Is 55, 5).
Dans ce parcours de la Sagesse, on perçoit en filigrane le chemin de descente et de remontée du Verbe de Dieu. Il était dans le sein du Père avant la création du monde (Jn 8, 24) ; il est venu planter sa tente parmi les hommes (Jn 1, 14) pour leur révéler les secrets du Père (Jn 3, 11) ; une fois sa mission terminée, il est retourné vers le Père en étant élevé de terre (Jn 13, 3). Le Verbe de Dieu, le Fils de Dieu, est la Sagesse de Dieu !
Marie a donc étreint et a embrassé la Sagesse, au sens spirituel et au sens propre. Le petit enfant qu’elle a tenu dans ses bras à Bethléem et à Nazareth, le fils qu’elle a embrassé, il était la Sagesse de Dieu. Mais elle a aussi gardé la Sagesse dans son cœur, elle s’en est nourrie, elle l’a mangée et elle l’a bue, elle l’a trouvée et a trouvé la Vie (Pr 8, 35). La gloire de Marie, c’est bien la Sagesse. Il n’est donc pas étonnant que la Sagesse ait couronné Marie comme elle couronne les justes. La couronne de la Mère de Dieu cependant resplendit d’un éclat incomparable.
Mais pourquoi parler de couronne ? Nous risquons d’assimiler ce mot à une idée de pouvoir, de puissance, et nous ne voyons pas très bien comment il pourrait s’allier à la compassion, à la douceur maternelle. C’est oublier la richesse biblique du symbolisme de la couronne.

Le symbolisme biblique de la couronne

Dans toutes les civilisations, la couronne évoque la royauté, l’élévation, la puissance, l’illumination.
En Israël aussi, la couronne est un symbole royal (Ps 20, 2-8) : le roi est le représentant de Dieu auprès de son peuple. Le Roi véritable d’Israël, c’est le Seigneur : il comble le roi, mais aussi son peuple, de ses bénédictions ; autrement dit, il couronne de ses bienfaits ceux qui lui sont fidèles (Ez 16, 12 ; Is 62, 3). Israël, comblé des bénédictions de Dieu, devient ainsi un signe de sa faveur pour tous les hommes ; les prophètes l’appellent « couronne » du Seigneur.
Symbole d’origine solaire, la couronne est faite souvent avec l’or, le plus précieux des métaux ; et sertie de pierres précieuses, elle brille comme une auréole de lumière. Placée au-dessus de la tête, elle symbolise un don venu d’en haut. Circulaire, elle manifeste la perfection de ce don. Récompense d’une épreuve (1 Co 9, 25-27), elle est le don du salut offert à celui qui marche de tout son cœur dans la voie évangélique : la couronne n’est pas une récompense de nos efforts, mais la vie accordée à ceux qui ont aimé le Seigneur (Jc 1, 12). Couronne de vie, elle est donnée à celui qui reste fidèle jusqu’à la mort : jusqu’au martyre (Ap 2, 10). Couronne de gloire, elle évoque tout particulièrement la victoire finale des élus (Ap 4, 4-10), associés à la victoire de l’Agneau (Ap 14, 14). Couronne de lumière, elle est un rayonnement de la justice, du salut, de la lumière intérieure (Is 62, 3 ; Ba 5, 1-3), couronne de grâce, elle est donnée à celui qui observe ce que demande la sagesse (Pr 1, 9), à celui qui est amoureux de la sagesse divine (Pr 4, 9.18). Couronne nuptiale aussi, elle est placée sur la tête des époux le jour du mariage (Ct 3, 11).
La couronne est ainsi un signe d’honneur, de gloire, de joie, de victoire, d’illumination, de lien sponsal.

Le Roi couronne son amie en sa mère

Jésus a été couronné de gloire, d’honneur (He 2, 7) et de beauté (Ps 8, 6), « parce qu’il a souffert la mort » (He 2, 9). Sa couronne d’épines a été transformée en couronne de gloire. « Il fallait » que Marie soit couronnée comme son fils, car en elle se sont réalisées les noces de l’alliance.
Dans la liberté de Marie, dans son Oui uni à l'action de l'Esprit, s’est nouée une alliance toute nouvelle, union du Verbe et de ce Oui, de l'œuvre divine et de l'œuvre humaine, du Don et de l'Accueil, du Verbe et de la chair. En livrant son Fils unique, dans son Esprit d'amour, le Père se donne, et Marie donne, offre, tout son être.
Le lien qui se noue entre Marie et le Fils du Père qui vient en elle, n’est pas un lien purement semblable à celui qui se tisse habituellement entre une  mère et son fils. Il s’apparente à un lien sponsal. On peut dire que le consentement de Marie le jour de l’annonciation est un consentement nuptial  : Marie se donne totalement à son fils qui se donne totalement à elle ; sa volonté est intimement unie à la sienne, un amour indéfectible les enlace. Qui ne perçoit que tout cela s’apparente à la relation d’un époux et une épouse ?Marie a adhéré intimement avec son fils au dessein du Père qu’il est venu réaliser ; elle a communié à sa vie divine et à tous ses sentiments, comme seule une épouse peut le faire. En elle s’est pleinement réalisée la prière de Jésus lors de la dernière Cène : « Qu’ils soient un comme nous sommes un » (Jn 17, 22). La source de l’union intime entre Jésus et sa mère est à cherche dans l’amour du Père et du Fils.
Par son couronnement, Marie est proclamée reine parce qu’épouse. La couronne nuptiale que le Christ pose sur sa tête est un symbole de la relation nuptiale qui l’unit à elle, un symbole de sa présence intime en elle. La Sagesse l’épouse et lui dit : Viens, mon amie, ma belle, viens. L’Epoux l’appelle : amie. Le couronnement de Marie, en effet, scelle une relation d’amitié sponsale qui se réalise enfin dans une totale possession.
Jésus admire la beauté de Marie — ma belle —, cette beauté que lui-même lui a donnée. Il en est ébloui et ne peut en détacher son regard : « Que tu es belle ! » (Ct 2, 2 ; 4, 1 ; 6, 4), répète-t-il. Leurs regards se croisent comme ils s’étaient croisés bien des fois pendant plus de trente ans. A travers tous ces regards échangés s’était tissée et approfondie l’alliance qui les unit. Et dans le regard de Jésus, Marie découvre sa propre beauté ; elle l’a reçue de ce regard, regard de miséricorde qui l’a enveloppée avant la création du monde. La miséricorde, l’amour, l’ont rendue belle, à la ressemblance de son fils. Par l’amour, le Bien-aimé et son amie sont présents l’un à l’autre : c’est bien ce que faisait pressentir le Cantique des Cantiques.
Jésus ajoute : « Tu es toute belle, mon amie, et sans défaut en toi » (Ct 4, 7). Marie est belle parce qu’aimée, elle est belle de la propre beauté du Verbe : elle est une parfaite image de la beauté divine ; en elle l’image déformée a été totalement restaurée. Son fils est louange à la vue de son œuvre. Il ne tarit pas d’éloge sur cette beauté parfaite, sans défaut, sans tache ni ride (Ep 5, 27) qui reflète la beauté de Dieu, sans que rien ne vienne la ternir. Le Saint-Esprit, en effet, a entièrement purifié le cœur de Marie en répandant l’amour dans son cœur (Rm 5, 5) ; elle est totalement donnée, elle est devenue don. Elle est pleine de grâce (Lc 1, 28).
Mais sous sa couronne, Marie porte un voile, signe de sa virginité. Elle est épouse et elle est vierge. Elle est bien la vierge d’Israël dont le Seigneur a fait son épouse : « Te voici, tu es belle, mon amie ; te voici, tu es belle. Tes yeux : des colombes derrière ton voile. […] Comme un fil d’écarlate, tes lèvres, et ton parler est séduisant. Comme une grenade coupée au milieu, ta tempe derrière ton voile » (Ct 4, 1.3). Sponsalité et virginité permettent de dire le mystère de l’alliance nouée entre la mère et le fils.

Marie Reine du Rosaire

Marie est Reine ; elle est en particulier Reine du Rosaire, Son couronnement est la reconnaissance de la place unique qu’elle tient dans les Mystères du Christ : elle est à leur source. Les perles qui étincellent de lumière sur sa couronne sont les vingt mystères du Rosaire : sa lumière, sa gloire, c’est son fils ! Les chrétiens ne se sont pas trompés lorsque, dès le XIVe siècle, ils ont pris l’habitude, pour honorer Marie, de poser des coiffures de roses sur la tête des statues qui la représentaient.
Les deux cents Ave Maria qui montent vers elle quand nous contemplons les mystères du Rosaire sont aussi comme des roses qu’elle recueille une à une pour se tresser une couronne. La beauté, le parfum, l’éclat, de sa couronne, ce sont donc les Mystères de son fils ! Et en la glorifiant, nous tressons, nous aussi, pour nous-mêmes une couronne de lumière et de gloire.
Vierge Marie, que ton rosaire, tel une corde solide, nous relie sans cesse à la source de la Vie. Que tous les Mystères qu’il nous fait contempler transforment notre vie comme ils ont transformé la tienne.

Conclusion

Il n’est pas sûr que sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus ait perçu la profonde signification du couronnement de Marie, lorsqu‘elle disait que Marie était plus mère que reine. Elle est reine parce que mère d’une façon unique, parce que mère et épouse. Partageant tous les sentiments de son fils, comment ne nous aimerait-elle pas de l’amour même dont son fils nous aime ?
… Mais à la manière d’une mère.


Prière

Par l’intercession de Marie, Reine du Très saint Rosaire, fais de nous Seigneur tes amis, comme tu l’as promis, pour que nous recevions un jour la couronne de lumière qui ceint le front de tes élus.

 

Contemplation

Réjouis-toi, Marie, comblée de grâce,
le Seigneur est avec toi,
tu es bénie entre toutes les femmes
et béni le fruit de ton sein,
Jésus,
- Roi des rois et Seigneur des seigneurs
- qui admire ta beauté
- qui a ceint ta tête de la splendeur de ses Mystères
- qui a fait de toi son amie, Vierge immaculée et parfaite
- qui t’a comblée de grâce, de gloire et d’honneur
- qui a couronné son épouse
- qui t’a couronnée reine des martyrs
- qui t’a couronnée reine de la paix
- qui t’a couronnée reine de l’univers
- qui t’a couronnée reine du Rosaire
Sainte Marie, Mère de Dieu,
prie pour nous, pauvres pécheurs,
maintenant et à l’heure de notre mort
AMEN.


Thomas d’Aquin, Somme théologique, IIIa, q. 30, a. 1.

 

Haut de la page